FRANCÉS
Claudio Rodríguez Fer
UN MILLÉNAIRE DE SILENCE
(LE MAL N’EST JAMAIS BANAL)
Camps de concentration du mal
de Mauthausen et de Gusen :
abattoirs sacrificiels, extermination
pour condition juive ou pour cause antifasciste,
des peuples libres d’Europe
pour qui le mal n’est jamais banal.
Travaux forcés en régime d’esclavage dans la carrière de l’exténuation :
porter des blocs de granit plus lourds que la survie
en gravissant les cent quatre-vingt-six marches de l’escalier de la mort
jusqu’à se jeter dans le vide par suicide provoqué ou sadisme harceleur
comme les pointes et les décharges électriques des fils barbelés.
Le mal était une exploitation, le mal n’est jamais banal.
Cellules de châtiment et de torture jusqu’à l’assassinat par la faim, la soif et le
désespoir.
Flagellations jusqu’à la mort de la chair vivante avec la cravache de la violence
et de l’humiliation.
Douches glacées et noyades prolongées jusqu’à l’extinction par hypothermie.
Massification infrahumaine jusqu’à l’anéantissement de toute coexistence et de
toute dignité.
Divertissements de cruauté inconcevable jusque dans le pire enfer imaginable.
Le mal était un terrorisme, le mal n’est jamais banal.
Exécutions sélectives, fusillades massives et pendaisons individuelles.
Injections létales pour ménager l’effort de les battre à mort.
Expériences médicales et saignée des corps pour récupérer leur sang.
Chambres à gaz mobiles dans des camions dont le pot d’échappement était
dirigé vers l’intérieur
et chambres à gaz statiques où l’on agonisait en groupe jusqu’à l’asphyxie.
Le mal était une économie, le mal n’est jamais banal.
Des dizaines de milliers de prisonniers mal équipés
pour fabriquer des armes, des munitions et des pièces en métal
ou pour exploiter des mines et des carrières tant qu’ils étaient utiles,
immolés ensuite comme de vieux débris,
et parmi eux des femmes violentées et des enfants faméliques.
Le mal était un commerce, le mal n’est jamais banal.
Des milliers d’antifranquistes attrapés en France,
rendus malades, torturés, assassinés
et emmurés par l’horreur et les fils barbelés
dans le camp dit des Espagnols en Autriche,
même s’ils étaient apatrides car leur patrie était usurpée.
Le mal était un pillage, le mal n’est jamais banal.
Depuis mil neuf cent quarante, ils portaient
le triangle bleu aux trois côtés de l’espoir :
celui de l’indépendance, celui de la justice et celui de la liberté.
Ils étaient dans le camp irréductible de ceux qu’à juste titre on accusait
d’être les ennemis politiques incorrigibles du Reich allemand,
qu’ils avaient été les premiers à combattre
depuis mille neuf cent trente-six.
Le mal était une invasion impérialiste, une conquête calculée, le mal n’est
jamais banal.
On dit qu’à la mort du premier résistant espagnol,
ses compatriotes solidaires, déjà bien organisés,
ont observé une minute de silence. Ils ont fait et ont caché
les photos de l’infamie et ils ont reçu les Alliés avec la banderole
“Los españoles antifascistas saludan a las fuerzas liberadoras”.
Ils ont résisté parce qu’ils savaient que le mal
commence toujours par combattre l’espoir,
que le mal n’est jamais banal.
Ils avaient l’habitude d’observer une minute de silence invincible
pour chaque victime de la plus absolue barbarie du nazisme.
C’est pourquoi j’offre maintenant un millénaire de silence
pour chaque résistant qui a lutté avec espoir
tout en sachant que le mal, comme le bien, n’est jamais banal.
(Version française de María Lopo et Claudine Allende Santa Cruz)
CASTELLANO
Claudio Rodríguez Fer
UN MILENIO DE SILENCIO
(EL MAL NUNCA ES BANAL)
Campos de concentración del mal
de Mauthausen y de Gusen:
mataderos sacrificiales, exterminio
por condición judía o por causa antifascista,
de los pueblos libres de Europa
para los que el mal nunca es banal.
Trabajos forzados en régimen de esclavitud en la cantera de la extenuación:
cargar grandes piedras de granito más pesadas que la supervivencia
subiendo ciento ochenta y seis escalones por la escalinata de la muerte
hasta despeñarse por el suicidio inducido o por el sadismo acosador
como las púas y las descargas de los muros eléctricos de alambre.
El mal era una explotación, el mal nunca es banal.
Celdas de castigo y de tortura hasta asesinar de hambre, sed y desespero.
Flagelaciones hasta matar la carne viva con el látigo de la violencia y de la
humillación.
Duchas heladas y sumergimientos prolongados hasta la extinción por
hipotermia.
Masificación infrahumana hasta minar toda convivencia y dignidad.
Divertimentos de crueldad inconcebible hasta en el peor infierno imaginable.
El mal era un terrorismo, el mal nunca es banal.
Fusilamientos selectivos, tiroteos masivos y ahorcamientos individuales.
Inyecciones letales para ahorrar el esfuerzo de liquidar a golpes.
Experimentos médicos y sangrado de cuerpos para aprovechar su sangre.
Cámaras de gas móviles en camiones con tubo de escape dirigido al interior
y cámaras de gas extáticas donde se agonizaba en grupo hasta asfixiarse.
El mal era una economía, el mal nunca es banal.
Decenas de miles de presos mal acondicionados
para fabricar armas, municiones y piezas de metal
o explotar minas y canteras mientras eran útiles,
y después inmolados como material de deshecho,
incluyendo mujeres violentadas y criaturas famélicas.
El mal era un negocio, el mal nunca es banal.
Miles de antifranquistas atrapados en Francia,
enfermados, torturados, asesinados
y cercados con muros de horror e alambres de espino
en el llamado campo de los españoless en Austria,
pese a ser apátridas por estar su patria usurpada.
El mal era un saqueo, el mal nunca es banal.
Desde mil novecientos cuarenta, portaban
el triángulo azul con tres lados de esperanza:
la de la independencia, la de la justicia y la de la libertad.
Estaban en el campo irreductible de los con razón tachados
de enemigos políticos incorregibles del Reich Alemán,
contra el que desde mil novecientos treinta y seis
habían sido los primeros en luchar.
El mal era una invasión imperialista, una conquista calculada,
el mal nunca es banal.
Se cuenta que, cuando murió el primer resistente español,
sus solidarios compatriotas, ya bien organizados,
guardaron un minuto de silencio. Ellos hicieron y escondieron
las fotos de la infamia y ellos recibieron a los aliados con la pancarta
“Los españoles antifascistas saludan a las fuerzas liberadoras”.
Resistieron porque sabían que el mal
siempre comienza por combatir la esperanza,
que el mal nunca es banal.
Solían guardar un minuto de silencio irredento
por cada victima de la más absoluta barbarie del nazismo.
Por eso yo ofrezco ahora un milenio de silencio
por cada resistente que luchó con esperanza
sabiendo que el mal, como el bien, nunca es banal.
(Versión castellana del autor)